Les maisons à pans de bois de Dinan, toutes médiévales ? Des archéologues du bois contredisent cette idée reçue, en datant précisément les années de construction de ces bâtisses emblématiques.
1 La Mère Pourcel pionnière
À Dinan, c’est la célèbre maison de la Mère Pourcel qui a ouvert le bal de la « dendrochronologie », procédé permettant d’établir les dates d’abattage du bois utilisé pour la construction d’un édifice. « Au Moyen Âge, on ne faisait pas sécher le bois, qui était mis en œuvre aussitôt après abattage, ce qui permet de déduire avec précision les dates de construction », explique Simon Guinebaud, responsable du service patrimoines de la Ville de Dinan. Et de souligner : « L’étude sur la Mère Pourcel a été commandée aux experts de Dendrotech et réalisée en 2019, quelques mois avant l‘incendie qui a détruit la maison. C’est une science exacte, on a ainsi pu dater cette maison de l’hiver 1457-1458. Une grande première, à Dinan ».
2 Dater pour comparer
Dans la foulée de la Mère Pourcel, d’autres bâtisses historiques ont fait l’objet de datation par les archéologues du bois. « En vue de la reconstruction de la célèbre maison de la place des Merciers, détruite par les flammes en juin 2019, on a tenu à connaître les dates des constructions voisines, pour savoir si elles étaient de la même époque, et comparer des éléments architecturaux qui aideraient à la compréhension de la Mère Pourcel », indique Simon Guinebaud, précisant qu’il a pu ainsi être établi que la maison située au 3, rue de l’Apport, a été construite entre 1469 et 1479. Des datations complémentaires sont par ailleurs en cours, sur les petits bâtiments attenants à la Mère Pourcel, rue du Petit-Pain. Restitution prévue début 2023, lors de la deuxième édition de la Semaine de la Mère Pourcel?.
3 La maison du Gouverneur n’est pas médiévale
Réalisée en octobre 2022, l’étude sur la maison du Gouverneur, rue du Petit-Fort, dans le prolongement du Jerzual, a révélé « une grande surprise ». Alors que des éléments laissaient à penser que le bâtiment datait de la fin du Moyen Âge, vers le milieu du XVe siècle, comme la Mère Pourcel, sa construction est en fait postérieure d’une cinquantaine d’années. « Quatorze prélèvements ont été faits. Façade, charpente, planches et combles coïncident, il s’agit d’une maison du XVIe siècle, probablement de 1506, construite avec des chênes âgés de 86 à 110 ans », confirme
Explications ? « Le commanditaire s’est fait construire une maison similaire à ce qui se faisait avant, et non une maison à la mode du XVIe siècle », estime Simon Guinebaud. Et de souligner : « Toutes les maisons à pans de bois ne sont pas médiévales, et peuvent être d’Époque moderne. Il faut se méfier également des dates apposées sur les murs, les pierres ayant pu être réemployées d’un bâtiment à l’autre, au cours de leur histoire ».
4 La capitainerie construite entre 1451 et 1470
Dans le cadre de sa mise en vente par la Ville, la capitainerie du port a également été scrutée par les dendrochronologues, au cours de l’été 2022. « Les parties anciennes, soit la façade, le rez-de-chaussée et le plancher du premier étage, ont été construites entre 1451 et 1470 », précise Yannick Le Digol. Plus récente, la partie supérieure est du XIXe siècle. Pour Simon Guinebaud, « ces informations illustrent bien le fait que Dinan a connu un important programme de construction pendant la seconde moitié du XVe siècle, époque prospère de la ville, durant laquelle la tour de l’Horloge est érigée, entre autres ».
5 L’église Saint-Malo passée au crible
L’analyse du bois a par ailleurs permis de « confirmer ce qu’on savait », concernant l’église Saint-Malo, passée au crible début 2022. « Les 31 prélèvements réalisés montrent que le chœur date de 1538-1548, et le transept nord de 1554-1570. Le transept sud, côté Grand’rue, date de 1615-1630, et comporte d’autres pièces de 1777-1807. La nef n’a pas fait l’objet de cette étude, on sait qu’elle a été terminée au XIXe siècle », détaille Simon Guinebaud.